chaque surgissement d’un phénomène cyclique comme l'arrivée du printemps ou le nouvel an, nos interrogations sur le temps et sa nature reviennent. Le temps qui passe est-il un éternel recommencement, la répétition du même ou, inversement, le temps du changement ?
La prééminence du temps linéaire aujourd’hui correspond à une conception du monde eschatologique ; cette vision est influencée par la bible qui, partant de la genèse à l’apocalypse, a donné une direction au temps. L’intervention du progrès a intégré au temps une marche dynamique, positiviste, marquée par le changement et la projection permanente dans le futur, ce temps meilleur ?
La tradition des vœux n’échappe pas à cette nouvelle conception du temps. A l’origine, ”Au gui l’an neuf” provient d’une tradition celtique dont le texte était "O ghel an heu", ce qui signifie "Que le blé se lève". Les druides, au solstice d'hiver, célébraient le renouveau et la renaissance de la nature en espérant qu’elle soit bienveillante avec les hommes. Pour conjurer le sort, ils coupaient le gui, une plante considérée sacrée et miraculeuse. Les Chrétiens ont bien tenté de faire cesser cette tradition jugée trop païenne à leurs yeux, mais la culture populaire en décida autrement. La célébration du renouveau de la nature, phénomène cyclique, évolua au fil des siècles vers une entreprise votive, non pour remercier des bienfaits passés, ou célébrer un présent singulier, plutôt pour s’orienter vers les temps à venir et manifester l’espoir d’un changement ultérieur. Dans l’anthropologie du don, la tradition votive renvoie à une puissance supposée bénéfique. Car le vœu, permet de tisser une série de liens invisibles entre les temps mais aussi entre les gens... Ces objets votifs fonctionnent alors comme des interfaces engageantes et agissantes sur un mode sensible et affectif.
La résolution, quant à elle, s’apparente à un vœu pour soi, doublé d’un engagement. L’affirmation d’une volonté dans une étape nouvelle, peut être différente, où, portée par la surprise d’être toujours là, et peut être par la reconnaissance d’être toujours là, ferait que l’impossible hier devienne possible demain.
D’ailleurs, même si le vœu n’est pas exaucé et la résolution non tenue, le fait de les formuler est parfois suffisant, comme une cristallisation, une opportunité d'identifier nos désirs et nos espoirs.
Le vœu comme l’engagement ne seraient que les promesses faites et attendues d’un temps nouveau.
Pourquoi s’en priver ?
Au gui l’an neuf
se maintenir, résister à l’écoulement du temps
s’attacher à l'impermanence
se départir avant tout
accomplir l’ambition de l’homme
vers l’infiniment humain
courir jusqu’à perdre haleine
courir et dépasser son ombre
courir pour échapper aux ombres
renoncer à la volonté de maîtrise
pleurer son ego
faire le deuil de puissance
jouir de moins
heureux de sobriété
renoncer à saisir
et réduire en poussière
faire sa vie
sans rien défaire
non pas extraction de richesses
plutôt œuvre de partage
comme le feu, le savoir ou l’amour
se transmettent sans s’épuiser
avoir des cathédrales en tête
et l’ardeur des bâtisseurs
concevoir ce qui n’est pas là
découvrir ce qui est déjà là
façonner son paradis
libre de dieu
libre des hommes
libre des choses
vivre
de son vivant
ne pas céder un pouce à la mort
être
persévérer dans l’être
ne pas cesser d’être en devenir
être présent à soi-même
être présent aux autres
laisser fleurir la joie
attentif à la rencontre
du commun au singulier
du semblable à l'étranger
sortir de l’attente
s’obliger à l’espoir
combler l’illusoire inachèvement
ne plus avoir à gérer
juste s’en débrouiller
réussir ses ratages
rater mieux encore
chercher la connaissance
hors de l'asile de l'ignorance
choisir la vérité contrariante
non pas la conformité
et la perception anecdotique du monde
surmonter la peur
sortir du choc des cultures
sortir du choc des incultures
de rages, de cris
de refus, de retraits
par fatigue de céder
aux injonctions du monde
l’absurde des temps
les dogmes inconsistants
avoir l’inconscience d’aimer
et le courage d’aimer encore
saisir les sens
donner des sens
non point chercher le sens
retirer les masques
vraiment retirer les masques
partir, partir, partir,
non pour conquérir ou parvenir
partir pour se perdre ou se retrouver
partir pour accomplir ou ébaucher
partir pour rencontrer ou explorer
juste partir
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