Étrange destinée que celle du pouvoir ! Celui-ci ne peut ni incarner le consensus et embrasser toutes les aspirations, ni s’accorder avec la contestation permanente : la gouvernance, le vivre ensemble en souffriraient.
Le pouvoir a cependant grandement besoin de la contestation. C’est le juste équilibre entre l’expression du pouvoir et l’expression de la contestation qui fait la vigueur des démocraties et procure la stabilité. Sans cela il y aurait déliquescence : autoritarisme d’un côté ou désordre de l’autre… En ce sens, la voie du vivre ensemble est nécessairement faite de résignation et de renoncement mais aussi de résistance et de contestation. Des positions aussi antinomiques coexistent rarement en même temps. Certains font le choix de l'abandon à l'autorité et la célébration du pouvoir, d’autres veulent bousculer les forces dominantes et choisissent d’exalter la contestation.
Le pouvoir est à la fois nécessaire et inusable. Évincer un pouvoir revient à en établir à plus ou moins long terme un autre. La contestation est une façon de le mettre à distance et d’apaiser ses travers et ses excès.
Quand l’hégémonie, l’arrogance, l’incurie et la vacuité s’incarnent en tant que pouvoir, quand la soumission au désir du prince est érigée en règle, la contestation devient un devoir. On se doit de forcer sa nature, se résoudre à traquer les violations et les infidélités. Déstabiliser pour mettre en marche l'esprit critique. Distinguer le désaccord comme voie de salubrité…
Un adage juif, dont je ne me rappelle plus les termes exacts, dit en substance que face à un sérail en accord je me dois d’être en désaccord. Le progrès est à ce prix.
Hakam EL ASRI
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